Moussa Dicko, un collègue hors pair, nous a quittés le 21 mars 2022 à l’âge de 41 ans. Né le 2 octobre 1980 à Paris, il était marié et père de deux enfants de 8 et 12 ans.
Ancien élève du lycée Louis-le-Grand, Moussa cumule les diplômes : ingénieur ENSIACET à l’Institut national polytechnique de Toulouse en 2004, DEA d’ingénierie chimique à l’École nationale supérieure de chimie de Paris en 2004 également, diplôme de l’École normale supérieure de Cachan en physique en 2008 et doctorat en génie des procédés à l’École nationale supérieure des mines de Paris en 2010 sous la direction de Christophe Coquelet sur un sujet portant sur le développement de modèles thermodynamiques pour les procédés en conditions complexes. Il complète sa formation en suivant en 2019 le programme HEC Challenge + réservé aux créateurs de projets innovants.
Attaché de recherche au Centre efficacité énergétique des systèmes de MINES ParisTech – ARMINES à Fontainebleau d’octobre 2008 à août 2011, il devient maître de conférences à l’université Sorbonne Paris Nord (USPN) où il est recruté en septembre 2011 pour enseigner au département Génie industriel et maintenance de l’IUT Saint-Denis (il aura aussi dispensé des cours à l’INSTN du CEA Saclay et assuré la formation par la recherche de nombreux étudiants) et pour effectuer ses recherches à l’Institut Galilée sur le campus de Villetaneuse au sein du Laboratoire des Sciences des Procédés et des Matériaux (LSPM) venant d’être constitué, suite à la réunification d’un laboratoire créé à Meudon en 1948 en extension du Laboratoire de Physique-Enseignement de la Sorbonne, et abordant la thématique de la valorisation de la biomasse lignocellulosique en biocarburants ou en molécules à haute valeur ajoutée qui faisait appel à des compétences nouvelles. Cette thématique satisfaisait en retour à l’esprit éminemment éthique de Moussa puisque cette ressource dite de deuxième génération n’entre pas en concurrence directe avec les cultures vivrières.
Les projets se multiplient aussitôt. Moussa devient membre actif du groupe Matériaux et biomatériaux innovants de l’Institut des énergies de demain, centré autour du LIED de l’université Paris Diderot, et participe à ce titre au projet Soc&Phy du premier appel à projets interdisciplinaire de l’IDEX Université Sorbonne Paris Cité (USPC) qui associe notamment l’USPN à l’université Paris Diderot. Il devient également chercheur invité au Centre de recherches internationales, unité mixte de recherche Sciences Po – CNRS, et co-rédige le chapitre Réflexions sur un référentiel commun entre sciences sociales et sciences de l’ingénieur en matière d’acceptation sociale des ouvrages éoliens du livre de François Bafoil L’énergie éolienne en Europe : conflits, démocratie, acceptabilité sociale conçu dans le cadre du projet Soc&Phy et paru aux presses de Sciences Po en 2016. Il monte en 2013 le projet Pyrolyse de la biomasse lignocellulosique issue du territoire de la Réserve de Biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais entre le CNRS et le Réseau francilien de recherche sur le développement durable, labellisé Domaine d’intérêt majeur, associant le LSPM à Paolo Stringari du Centre de thermodynamique des procédés de MINES ParisTech – ARMINES (dont Moussa devient chercheur associé à partir de 2016) ainsi qu’au territoire d’expérimentation du développement durable en Île-de-France où du Miscanthus Giganteus est planté sur les terres arables en jachère. Ce projet permet l’acquisition et la mise en œuvre au LSPM avec l’aide de Coumba Doucouré d’un banc de pyrolyse rapide avec diagnostic in situ des incondensables et d’un chromatographe en phase gazeuse couplé à un spectromètre de masse Py-MDGCMS (FrontierLab / Shimadzu) présentant un ensemble de fonctionnalités unique en France.
Un autre projet interdisciplinaire du volet Énergies, territoire, société : enjeux et approches croisées de l’IDEX USPC, dénommé Olizero pour désigner des territoires oléicoles zéro carbone, animé par Marianne Cohen puis Philippe Silar, est monté à l’international (auquel une suite devait d’ailleurs être donnée via un projet de type ERA-NET MED). Le terrain d’étude est la Sierra Mágina, un comté rural d’Andalousie où les déchets d’élagage des oliviers étaient brûlés dans les parcelles agricoles, contribuant ainsi à l’émission de gaz à effet de serre. Le projet démontre le risque, en raison de la présence potentielle de pathogènes, de la pratique du hachage et de l’épandage des résidus sur le sol, engagée pour tenter d’atténuer ces émissions, et propose la pyrolyse comme moyen alternatif de traiter les déchets tout en fournissant un engrais sain. En 2018, Moussa travaille notamment à ce titre avec Scott Banks à l’European Bioenergy Research Institute du Pr Tony Bridgwater à Birmingham. Un projet BQR 2020 avec le LGC Toulouse, portant sur l’extraction de rameaux d’olivier pour l’industrie locale et subventionné par l’USPN, vient compléter cette approche qui entre dans le cadre du groupement de recherche ThermoBio où se nouent de nombreux contacts pour de nouveaux projets en phase avec sa vision à long terme, notamment avec Capucine Dupont de l’IHE Delft.
Enfin, un développement de sa thématique de recherche conduit au lancement de la start-up Wastemy qui est à l’image même de Moussa puisqu’elle offre de façon à la fois innovante et écoresponsable un modèle circulaire de valorisation locale et décarbonée appliqué au recyclage des déchets plastiques par thermolyse. Cette start-up a été citée à l’occasion de la Journée mondiale du recyclage le 18 mars 2022.
La trop courte carrière de Moussa aura été jalonnée de trop nombreuses épreuves qu’il surmontait courageusement. Bien qu’il fût de nature sereine, nous garderons de lui l’image d’un passionné à la vie intense, se battant contre vents et marées, télétravaillant voire débriefant sur ses lits d’hôpital ou courant sinon entre Villetaneuse et la Bourgogne où il avait pu installer les équipements de sa start-up. Nombreux sont ceux qui, l’ayant connu, ont considéré son contact énergisant.
Farida Lamari, Patrick Langlois